Stasy Hsieh
7 min readMay 12, 2024

Depuis quelques années, il existe un engouement de nombreuses personnes issues de milieux sociaux variés pour les jardins collectifs. Également appelés jardins de quartier ou jardins partagés, ils correspondent à une forme de gestion en commun d’un terrain par un groupe d’habitants du quartier. L’existence d’un jardin collectif repose donc sur une dynamique où les habitants le cultivent ensemble en vue de récolter fruits et légumes potagers. Il n’est pas rare que des zones naturelles favorisant la biodiversité en flore et en faune soient créées en parallèle. De nombreux bienfaits sont reconnus aux jardins collectifs : l’accroissement de la biodiversité urbaine, la possibilité pour les personnes de récolter des fruits et des légumes frais de meilleur goût et de qualité biologique. L’anthropologue Manon Beuliani explique que les jardins peuvent aussi représenter une réponse économique ou encore un moyen de lutter contre la malbouffe. Produire par soi-même une partie de son alimentation offre ainsi l’opportunité de s’écarter des logiques de marché, de consommer une nourriture saine que certains ne pourraient s’offrir autrement. Ils économisent en même temps qu’ils prennent soin de leur santé.

Les jardins collectifs peuvent aussi avoir des vertus thérapeutiques : considérés comme un loisir vert, leur culture permet aux jardiniers de faire de l’exercice physique et de profiter de la contemplation de la nature. Le contact et le plaisir procurés par le travail de la terre permettent à des personnes, tant des anciens ruraux que des citadins, de répondre à leurs aspirations d’un contact avec la « nature ». Les jardins collectifs représentent des espaces de liberté, d’autonomie et de créativité. Produire quelque chose par soi-même, montrer à d’autres ce que l’on a produit, partager avec le collectif des fruits et des légumes ou en donner à des amis ou à la famille peuvent être source de valorisation et d’estime de soi. En permettant aux ouvriers français du temps de cultiver leurs légumes et de conserver leur dignité personnelle, les jardins collectifs contribuent à renforcer les liens sociaux entre des personnes de générations, de conditions, de sexes et d’ethnies différentes. Les jardins collectifs sont aussi des lieux au sein desquels les jardiniers ont la possibilité de prendre des initiatives favorisant la cohésion sociale. Ils contribuent également à éveiller l’esprit d’entraide auprès des personnes et des collectivités qui les avoisinent.

Avoir un impact écologique sur l’espace urbain est une autre fonction que les jardins collectifs urbains peuvent revêtir. Les pratiques respectueuses de l’environnement y sont favorisées : culture de plantes indigènes, redéfinition de la notion et de la liste des « mauvaises herbes », prohibition des fongicides, des pesticides ou des désherbants chimiques, valorisation des eaux de pluie, fabrication et utilisation du compost sur place à partir de déchets organiques. Des zones naturelles y sont créées en vue d’accroître la biodiversité en flore et en faune locale. La présence de jardins peut même contribuer à améliorer les microclimats urbains, assainir des zones insalubres et participer au recyclage.

Par ailleurs, ces espaces représentent aussi des lieux d’apprentissage et de réappropriation de savoirs, de savoir-faire et de culture : ils assurent la perpétuation des traditions agricoles à travers les générations, la transmission des connaissances ou encore la mise en pratique de savoirs et de goûts. Ils promeuvent la découverte de la nature en ville, la transmission d’une connaissance du monde végétal, l’éducation à l’environnement par la pratique du jardinage, et la sensibilisation à l’éco-citoyenneté.

Reposant sur une dynamique participative, les jardins collectifs s’appuient sur une volonté d’implication des habitants dans la réflexion associée non seulement à la transmission d’une connaissance environnementale et à l’éducation, mais aussi à la réflexion associée non seulement aux premiers aménagements d’un jardin, mais aussi à son animation régulière (plantations nouvelles, entretien, gestion de l’association, fêtes, activités annexes). En effet, toutes les décisions d’aménagement, de plantations, d’animation et de gestion du jardin sont prises par l’ensemble des jardiniers.

Enfin, les jardins collectifs démontrent à des personnes que des friches urbaines sans usage spécifique prévu à court terme peuvent être (re)conquises par les habitants de quartiers à l’habitat dense. Pour certains jardiniers, cette démarche représente un moyen de conquérir leur droit à la terre et/ou à la ville : un droit à une qualité de vie urbaine. Ces espaces deviennent alors de véritables leviers d’insertion sociale, de participation citoyenne, d’appropriation de l’espace public et de réflexion quant au devenir de ce dernier. Par conséquent, les jardins collectifs peuvent constituer des éléments de revitalisation des quartiers.

En Occident, la composante paysanne des villes a toujours été présente mais elle a été négligée voire ignorée par les pouvoirs publics et par les scientifiques au cours du 20ème siècle. Or, des formes de gestion collective de la terre existent depuis longtemps. Ce phénomène était déjà observé lors de la première révolution anglaise, époque au cours de laquelle des intellectuels chrétiens, nommés piocheurs (diggers, en anglais) ou bécheux, développèrent un processus d’auto-appropriation des terres pour une gestion asmaire en commun. Le style de vie strictement agraire adopté par ces personnes représentait à l’époque une tentative de réforme de l’ordre social mais aussi un refus de l’enclosure act. Elle désigne l’appropriation privée des prés communaux et des terres communales qui étaient auparavant mises en commun par les paysans et les habitants qui s’organisaient en petites communautés rurales autonomes et égalitaires. L’appropriation de friches pour leur transformation en jardins potagers pendant les périodes de crises économiques telles que les « Potato Patches » de la fin du 19ème siècle, les « Liberty Gardens » de la Première Guerre mondiale, les « Reliefs Gardens » des années trente ou encore les « Victory Gardens » de la Seconde Guerre mondiale sont autant d’autres phénomènes historiques déjà observés où des habitants des villes s’approprient l’espace public pour y cultiver ce qui faisait défaut dans les magasins. Ces jardins ont germé à travers l’Europe au tournant du vingtième siècle. Ils sont appelés « allotment gardens » dans les pays anglophones et « Kleingärten » dans les pays germanophones. En France, des jardins collectifs, nommés « ouvriers », sont nés avec la révolution industrielle. Ils constituaient un moyen de cultiver quelques légumes par les nouveaux travailleurs des villes, contraints de quitter leur campagne. Ils leur offraient une possibilité de s’approprier un espace sur un petit terrain laissé à l’abandon. Encore aujourd’hui, ils permettent à des familles aux revenus modestes de se procurer des légumes et des fruits frais.

Au début des années 1970, aux États-Unis, Liz Christy, une artiste et quelques-uns de ses amis, créent les « Green Guerillas » (Guerilleros verts). Leur objectif consiste à lutter contre le désolement engendré par la multitude de terrains vagues présents dans leur quartier du Lower East Side à Manhattan. Ils décident alors de transformer ces espaces en jardins. Pour y parvenir, ils décident de lancer des « bombes de graines » (seed bombs) par-dessus les grilles de terrains laissés à l’abandon. Aujourd’hui, il existe plus de 600 Community gardens à New York, et des milliers de jardins communautaires à travers l’Amérique du Nord. L’objectif de cette époque n’est pas seulement de produire de la nourriture, mais également de permettre à des habitants d’un quartier de se retrouver sur un terrain commun et de développer des projets collectifs.

En Russie, les jardins collectifs apparaissent dès la fin des années 30 parallèlement à l’essor d’un habitat collectif urbain et rural. Les parcelles sont alors destinées aux ouvriers et aux petits employés des villes. Au cours des années 1950, face à une demande croissante de la population et une faillite du système planifié de production et de distribution des biens alimentaires en URSS, une extension du dispositif des jardins collectifs est décidée. Depuis les années 90, les jardins collectifs se diversifient et s’étendent. Comme ailleurs, ils sont intimement corrélés aux crises économiques et agricoles. La possession de ces jardins est avant tout liée à une stratégie de production et de diversification alimentaire mais aussi à d’autres aspects : lien social, développement et renforcement de réseaux (échanges, du troc.), source de prestige social, espace de loisirs et de détente…

Comme le note Aline Dehasse, membre associée de l’association « Le Début des haricots », les jardins collectifs naissent tant de l’initiative directe de groupes de citoyens que de celle d’institutions publiques issues du secteur social et culturel. La création et la pérennisation de jardins collectifs urbains conduisent leurs adeptes ou leurs porteurs de projets à recourir à l’intervention d’associations spécialisées telles que le Début des Haricots. Leurs demandes d’intervention sont diverses. Elles peuvent consister en un appui technique et logistique pour la création et le développement d’un potager biologique, l’installation des bacs, la création de compost organique, la culture de fruits et de légumes biologiques, des conseils en alimentation biologique, ou encore le développement de la lactation fermentée. Elles peuvent être aussi des animations et une coordination comme la stimulation d’une dynamique de groupe entre les jardiniers, la mise en commun des idées, la transmission de savoir-faire (pour des préparations médicinales, des simples, des dentifrices aux herbes), l’animation d’ateliers de jardinage (théorie et pratique) ou de stages de cuisine biologique, l’organisation de tables d’hôtes, la stimulation de l’esprit autodidacte des jardiniers, ou l’organisation de bourses aux semences. Elles peuvent porter sur la stimulation d’un réseau autonome entre les membres des jardins collectifs mais aussi avec les associations locales en vue de développer les échanges de savoirs et de connaissances, de porter des revendications exprimées communément par des groupes de jardiniers auprès des instances politiques, mais aussi de soutenir et d’accompagner les nouveaux projets émergents. L’appui direct offert par une association comme « Le Début des haricots » permet également de montrer aux citoyens qu’il est possible d’avoir une vie active tout en produisant une partie de son alimentation. De plus, elle leur donne la possibilité d’acquérir des compétences techniques et de renouer avec des gestes oubliés tels que la culture de plantes médicinales ou aromatiques.

En conclusion, les jardins collectifs urbains représentent un phénomène social et culturel complexe et multiple. Parfois décrits comme des utopies concrètes ou des espaces de résistance, ces jardins révèlent la diversité et la richesse des pratiques sociales des habitants des quartiers populaires et des centres urbains. Ils permettent d’envisager autrement le lien à la terre, à la ville, à l’alimentation, à la santé, à la culture, à l’éducation et à l’environnement. À la fois espaces de production, de convivialité, d’expression culturelle, d’éducation populaire, de lutte contre la précarité et d’éducation à l’environnement, ils représentent de réels lieux d’expérimentation sociale. Ainsi, au-delà de leur fonction agricole, ils contribuent à la transformation des modes de vie, des rapports sociaux et des pratiques citoyennes.

  1. Quelle est la nature de l’enregistrement?
  2. Quelle est sa thématique?
  3. Qui sont les interlocuteurs?
  4. Proposez un plan pour votre compte rendu:

Monologue suivi: Vous présentez vos idées et exemples en 10 minutes environ, de maniere fluide et elaboree.

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Written by Stasy Hsieh

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