Stasy Hsieh
11 min readMay 9, 2024

-L'un est l'intello du football, celui qui a propulsé avec une surprenante sérénité l'équipe des Zidane, Deschamps et Djorkaeff en finale dela Coupe du monde 1998 et qui aujourd'hui lit Platon et Lao-tseu écrit des livres, anime une fondation de lutte contre le racisme qui porte son nom et monte des expositions au musée du Guai- Branly sur l'histoire de l'esclavage. L'autre est le plus grand connaisseur du ballon rond parmi les philosophes, un fan de la Juventus de Turin et de Platini, qul ferraille dans es assais contre le retour du nihilisme, mais voit dans le football la religion d'après la mort de Dieu, la dernière œuvre d'art totale au sens de Wagner. L'un a découvert le racisme personnellement à 9 ans lorsqu'il a débarqué de sa Guadeloupe natale en métropole avec sa mère, venue faire des ménages. Loutre, élevé en Tunisie, dans Narabe et le Coran, a fait à 13 ans le choix de la France, de la langue et de la philosophie française, avant de découvrir que le racisme le plus pernicieux sévissait dans les hautes sphères intellectuelles. Ils appartiennent à la même génération, celle dont la
conscience politique s'est formée entre la chute du mur de Berlin et le N-Septembre et qui a vu, quatre ans après que l'équipe « black, blanc, beur » a ralluma l'idéal de la fraternité issu de la Revolution de 1789, la France placer au second tour de l'élection présidentielle un certain Jean-Marie Le Pen. Bref, ces deux-là étaient falts pour se Vencontrer. Ce qu'on n'imaginait pas cependant, c'est que leur dialogue débouche, au- delà d'un partage d'expérience, sur une réflexion des plus percutantes à propos des deux grands spectres qui hantent notre temps, le racisme et le communautarisme. Face aby discriminations en tous genres qui les visent, les << minorités visibles >> sont tentées pax repli communautaire. Face aux accusations répétées de xénophobie, les Français de souche, comme on les appelle, sont tentés par la réaffirmation de leur identité nationale. Ce sont deux pièges qui se soutiennent l'un l'autre, affirment avec vigueur Lilian Thuram et Mehdi Belhaj Kacem. Seules l'intelligence de l'histoire et la conhande réitérée dans les destins individuels peuvent nous faire échapper à ce duel mortifère. Voilà une belle leçon!

-Laissez-moi vous dire en deux mots. Lilian Thuram, pourquoi j'ai un réel plaisir & Wus aujourd'hui rencontrer Avant d'être écrivain et p philosophe, eté et je reste un fan absolu de football (-) je suis frappé par la continuita d'abord positionnement. Comme joueur autant cant que comme citoyen, sur le terrain comme dans l'espace public, votre responsabilité semble mise en jeu. Mais de façon naturelle

je ne parle pas pour faire reconnaître les grandeurs et misères de l'histoire noire, car l'histoire noire comme l'histoire blanche n'existe pas. Je lutte pour qu'on prenine conscience que l'on ne naît pas raciste et qu'on peut le devenir, car le racisme est avant tout culturel Pour la majorité des personnes, l'histoire des populations noires commence par l'esclavage (Est-ce alors étonnant dans ce contexte que certains

Cela rejoint un geste très répandu dans la philosophie contemporaine qui consiste à faire l'archéologie de notre savõir. Pour des philosophes tels que Nietzsche ou Foucault, il ne s'agit pas de se plonger de manière nostalgique dans un passé révolu mais de remonter le cours du temps pour comprendre notre propre présent - Pourquoi ai-je écrit Mes étoiles noires ? Je voulais qu'à la question « pouvez-vous citer un scientifique noir, un explorateur noir, un pharaon noir? », tout un chacun puisse donner une réponse. Car la meilleure façon de lutter contre le racisme et l'intolérance, c'est d'enrichir nos connaissances et nos imaginaires. Je n'avais moi-même admiré à l'école que des étoiles blanches. On décrypte souvent ce qui se passe dans la tête des racistes. On se demande moins souvent ce qui se passe dans la tête d'un petit garçon noir r qui grandit dans une société qui ne lui renvoie que trop de messages infériorisants et aucun repère intellectuel qui lui ressemble. N'y a-t-il pas là une grande violence? Peut-il développer le sentiment le plus important pour un être humain, l'estime de soi?

- Cette position archéologique est d'autant plus légitime de votre part que vous n'avez jamais « joué au black>». J'insiste, mais il y a une tendance très dangereuse qui consiste à intégrer le racisme en renvoyant à l'ennemi l'image qu'il demande qu'on lui renvoie.

- Historiquement, seuls ceux qui ont fait ce que l'on attendait d'eux ont été plus facilement acceptés. Dans le spectacle, par exemple, seuls les artistes de couleur noire qui renforçaient les stigmates furent reconnus plus rapidement: c'est Joséphine Baker qui danse nue avec des bananes autour de la taille ou le clown Chocolat,
(artiste noir français originaire de Cuba) qui se laisse frapper en silence sur scène. Je m'intéresse beaucoup à la société antillaise pour comprendre ma propre famille. Alors qu'elle aurait dû rejeter cette classification par la couleur de peau, elle l'a en réalité intégrée. Pour la génération de ma mère, par exemple, mieux valait se marier avec un homme à la peau claire pour que l'enfant ait la peau « chapée », échappée du noir. Tout cela inconsciemment pour se rapproche de la soi-disant perfection, l'homme blanc

- Serge Daney, le penseur du cinéma, a écrit quil y a un vrai problème pour la communauté arabe de France de renvoyer aux autres Français l'image raciste qu'ils s'en font. On se présente toujours en groupe. C'est la culture banlieue. On ne dit jamais < moi, je », « je suis né là », « j'ai grandi là », « j'ai fait cela ». On dit toujours « nous,>>

C’est a contrario ce que j’ai particulièrement apprécié dans Mes étoiles noires, qu’est une suite de destins individuels, singuliers. Cela n’efface pas la question dal communauté. Mais l’affirmation de l’individu est essentielle pour échapper communautaire. C’est comme cela que la révolution en Tunisie a commencé en 2010. Il a fallu que des individus se lèvent en nom propre et disent: Moi, j’en ai marre, Ben Ali. » Si, aujourd’hui, les islamistes trouvent la force de revenir, c’est parce que le archaïsmes communautaires ont de nouveau pris le dessus. Personne n’ose plus alle parler en son nom propre sur la place publique.

Un jour, à l'université de Bruxelles, un jeune garçon m'avait interpellé ainsi

Monsieur Thuram, merci pour tout ce que vous faites pour le peuple noir. Je lui ai répondu Jeune homme, le peuple noir n'existe pas Vous êtes en train d'intégrer le discours qu'on vous renvoie. Vous ne pouvez pas fandre dans un seul et même collectif Nelson Mandela et Mobutu A moins de vous fonder sur le seul critère de la peau qui est raciste. Il était très perturbé. Il m'a suivi jusqu'à la gare Je lui ai dit Mais alors, vous croyez aussi qu'il y a un peuple blone? Il était déboussole. Il y a quelques années, un magazine français a fait un numéro spécial avec des intellectuels noirs intitulé La pensée noire» Imagine-t-on un seul instant un magazine traitant de « la pensée blanche Pourquoi s'étonner alors que les jeunes finissent par fonctionner sur la base des reflexes collectifs dans lesquels on les a préalablement enfermés?

Il n'y aura pas d'émancipation des « minorités dites visibles s'il n'y a assomption du destin individuel Le probleme est de savoir qui peut casser ces modèles?

- Seuls les principaux concernés peuvent le faire. C'est pour cela que j'en veux aux très nombreuses personnalités issues des « minorités visibles », les comiques notamment, qui surjouent leur identité collective au lieu de s'affirmer individuellement. Cette attitude est magnétique. Elle confirme les individus dans leur place assignée. On a retrouvé cela au moment des émeutes en banlieue, en 2005. Des intellectuels comme Alain Finkielkraut se sont crus alors autorisés à ramener ces événements à des comportements identitaires qui seraient le fait exclusif des Noirs et des Arabes. J'ai écrit mon livre La Psychose française en réaction à ces discours délirants.

Je me suis senti extrêmement blessé par les paroles de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, traitant les jeunes de banlieue de rocailles que l'on va nettoyer au Kärcher Je me suis retrouvé dans la situation qui était la mienne lorsque j'étais enfant et que j'étais confronté à des préjugés négatifs du fait du lieu où j'habitais. Pour mores politiques sont des éducateurs. Leur parole conditionne la société. Ils sont dond tenu de livrer une parole intelligente qui permette de dépasser et non pas de renforcer les préjugés Venant d'en haut, ce type de parole ne peut que susciter de la violence de la part de ceux qu'elle blesse. Elle est d'ailleurs formulée dans cet objectif -En regard, l'idée de fraternité que vous avez incarnée à travers l'équipe de France black, bland beu fournissait un pôle d'identification positive. On a même pu voir, en vous le grand frère auquel on peut s'identifier parce qu'il n'incarne pas un põle d'autorité

-Je me demande s'il ne faudrait pas bannir cette idée de grand frère Pourquoi certaines personnes auraient-elles besoin de grands frères ? Quand on en parle. c'est toujours avec une certaine condescendance, en stigmatisant et ennfantilisant les personnes concernées. Ce n'est pasa s aux jeunes de Neuilly ou d'ailleu u d'ailleurs qu'on pense. Mais sur le fond, vous avez raison, ce qui manque à ces jeunes-et moins jeunes-, ce sont des modèles d'identification dans tous les domälnes qui pourraient leur suggérer une chose toute simple: pour moi aussi tout est possible.

  • Soit. Mais vous m'accorderez que l'équipe de France a fourni un pôle d'identification qui s'est ensuite perdu. Du fait du comportement de certains joueurs. Mais aussi du fait des polémiques autour des quotas, par exemple. Il était pour le moins surprenant de voir Laurent Blanc, l'ex-défenseur de l'équipe championne du monde devenu sélectionneus, national, soutenir cette idée. Il faut at dire dire q qu'il a un nom predestiné...

- J'ai dénoncé avec vigueur cette affaire qui ne pose pas seulement un probleme éthique mais d'abord politique. On nous dit qu'on envisage sereinement de prendre un nombre limité de jeunes enfants français d'origine africaine parce que ce seraient eux qui créeraient des problèmes. Mais ces jeunes enfants, vous savez à quel âge ils quittent leur famille pour les centres de formation ?Å 13 ans. C'est bien sûr plus facile de les accuser que d'interroger l'éducation qu'ils reçoivent dans les centres de formation... Le football, deuxième lieu d'éducation après l'Éducation nationale, a pourtant une capacité extraordinaire de tisser du lien. C'est là-dessus qu'il faudrait miser.

-On l'a complètement oublié, mais les Grecs considéraient les jeux Olympiques, et donc le sport, comme la forme supérieure de l'art. Or, quelle est la fonction oubliée et pourtant première de l'art ? C'est une fonction politique, celle de créer du lien. La société grecque était essentiellement participative, dans la politique évidemment, mais dans tous les autres domaines de la vie aussi. Tous les sarts étaient participatifs. Même les poètes solitaires qui travaillaient dans leur coin poursuivaient une tâche d'expression collective. Aujourd'hui, il faudrait rappeler au sport sa fonction d'art politique, faire un travail archéologique et pédagogique à destination des sporturs> eux-mêmes. La fonction du sport est cathartique, C'est une épuration des passions, une canalisation de l'agressivité qui ailleurs se transformerait en violence Le terrain se substitue au champ de bataille pour mettre en scène la violenge. violenge Tout cela s'est effacé au moment du triomphe du christianisme : le le sport cesse alofs d'être un spectacle artistique de masse. L'art chrétien est contemplatif c'est la messe, la peinture et la musique faudra attendre l'époque de la Révolution française pour retrouver cette dimension perdue. Avec l'éclipse du monothéisme, il y a une exigence que l l'art redevienne eun art participatif. Le retour historique du sport comme spectacle est le produit de Dieu. Marx disait de la mort t que la religion, c'est l'opium du peuple. Moi, je soutiens que le sport, c'est l'opium des peuples sans dieu. Je ne le dis pas négativement, parce que toute religion est un mélange de politique et d'art. Aujourd'hui, la seule œuvre d'art totale, au sens de Wagner, c'est le football. Il offre aux nations un reflet de leur esprit. Chaque équipe raconte, en miroir, aux nations ce qu'elles sont, ce e qu'elles deviennent. Mais c'est surtout une une œuvre d'art centrée sur l'idée dej jeu qui est u s philosophique. Le jeu est expression de r ques tune idée très notre liberté, de notre détachement par rapport au réel. L'homme, disait l'historien néerlandais Johan Huizinga, se définit comme « Homo ludens>>

  • Il y a deux dimensions du foot que l'on confond trop souvent: ce qui se passe sur le terrain, pour les enfants comme pour les adultes, est une métaphore de la vie - se surpasser, faire don de soi i en vue d'un objectif commun, écrire son histoire personnelle en ayant l'intelligence de la tramer dans celle des autres... et ce qui vient du système capitaliste qui nous gouverne T'argent, l'égoïsme, l'exaltation du plus fort pour ancrer au plus profond des esprits que la vie est avant tout compétition et non entraide- avant tout competion et non entraide.

Monologue suivi: Présentation du document:

Nature de l’enregistrement : L’enregistrement est un extrait de dialogue entre deux personnes, probablement extrait d’un entretien ou d’une discussion publique.
Thématique : La thématique principale de l’enregistrement porte sur le racisme et le communautarisme, ainsi que sur les défis et les pièges associés à ces phénomènes dans la société contemporaine.
Interlocuteurs : Les interlocuteurs sont Lilian Thuram, ancien joueur de football de renommée mondiale devenu écrivain et philosophe engagé dans la lutte contre le racisme, et Mehdi Belhaj Kacem, philosophe français connu pour son analyse critique de la société et du politique.
Proposition de plan pour votre compte rendu :
Introduction : Présentation de l’enregistrement et des interlocuteurs.
Thématique abordée : Le racisme et le communautarisme dans la société contemporaine.
Points de discussion :
L’engagement de Lilian Thuram dans la lutte contre le racisme.
La conscience historique et la nécessité de reconnaître les contributions des populations noires.
L’archéologie du savoir et son importance pour comprendre le présent.
L’importance des modèles d’identification positifs dans la lutte contre les préjugés.
Conclusion : Récapitulation des points principaux et des propositions de solution.
Maintenant, voici un exemple de transcription pour un discours de 10 minutes sur le thème du racisme et du communautarisme lors d’une journée lycéenne :

“Bonjour à tous, aujourd’hui je voudrais vous parler d’un sujet crucial qui affecte notre société contemporaine : le racisme et le communautarisme. Ces deux phénomènes représentent des pièges insidieux qui compromettent la cohésion sociale et entravent le vivre-ensemble harmonieux.

Tout d’abord, il est essentiel de comprendre les mécanismes du racisme et du communautarisme. Le racisme est souvent le résultat de préjugés et de stéréotypes ancrés dans notre société, alimentés par des attitudes discriminatoires envers certaines communautés. Le communautarisme, quant à lui, peut découler de la marginalisation sociale et de la recherche de protection au sein de groupes ethniques ou religieux.

Pour éviter ces pièges, nous devons d’abord reconnaître l’existence de ces problèmes et prendre conscience de leur impact sur notre société. Ensuite, nous devons promouvoir une culture de l’inclusion et du respect mutuel, en encourageant le dialogue interculturel et en valorisant la diversité sous toutes ses formes.

L’éducation joue un rôle crucial dans la lutte contre le racisme et le communautarisme. Il est important d’intégrer dans nos programmes scolaires une éducation inclusive qui enseigne le respect des différences et la tolérance envers autrui. De plus, les médias et les leaders d’opinion ont un rôle important à jouer en promouvant des discours et des représentations inclusives qui reflètent la diversité de notre société.

Enfin, nous devons encourager l’engagement citoyen et la participation active dans la lutte contre le racisme et le communautarisme. Chacun d’entre nous a le pouvoir d’être un agent de changement en défendant les valeurs d’égalité, de justice et de solidarité.

En conclusion, le racisme et le communautarisme représentent des défis majeurs pour notre société, mais ils ne sont pas insurmontables. En travaillant ensemble, en promouvant l’inclusion et en valorisant la diversité, nous pouvons construire un avenir meilleur et plus juste pour tous. Merci.”

Stasy Hsieh
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Written by Stasy Hsieh

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